LE ROBOT-PEINTRE, ASIMOV ET MOI

Une photographie du visage d'Ai-Da

L’histoire commence à Châteauroux. Un soir, alors transi par le froid berrichon et affamé, je cherchais une épicerie encore ouverte lorsque j’avisai un monolithe sombre. Malgré l’effroi, je m’approchai de cette machine intrigante pour comprendre qu’il s’agissait d’un distributeur de pizzas. Pour la modeste somme de 8 euros, cette machine vous promettait une regina chaude en moins de 5 minutes. En d’autres termes, j’avais devant moi un robot pizzaiolo. J’avais en effet du mal à croire qu’un italien de petite taille fut reclus dans cette boîte.

A l’heure où directeurs juridiques, avocats ou encore actuaires craignent d’être remplacés par un sous-traitant algorithmique géré par des petits génies en Inde, je ressentis moi aussi de la peur à l’idée qu’un robot pourrait peindre des toiles à ma place avant l’âge légal de ma retraite. Car si un robot est capable de préparer des pizzas ou traiter des investissements réglementés d’une entreprise d’assurance, on peut imaginer qu’il pourrait également mettre un pied dans le domaine de l’art plastique.

En fait, foin de suspens, un tel robot existe. Il répond au nom d’Ai-Da et affecte un visage humain. Cet humanoïde, conçu par le galeriste londonien Aidan Meller avec l’aide d’ingénieurs, se propose de produire des toiles et même des sculptures originales abstraites ou figuratives. Nantie d’une caméra dans chaque œil, Ai-Da peut interpréter chaque signal visuel grâce à un algorithme complexe et le reproduire sur la toile. Plus que ça, l’humanoïde est également capable de produire des tableaux abstraits (se revendiquant du courant cubiste) grâce à son intelligence artificielle.

Aidan Meller, interrogé par Reuters, explique à propos d’Ai-Da qu’elle peut agir de manière autonome sans l’intervention d’un humain au point qu’« (o)n ne sait pas ce qu’elle a en tête quand elle commence à crayonner. Il est impossible de prédire ce qu’elle va réaliser ». Il faut admettre qu’on ne peut qu’être perplexe devant cette prouesse singeant l’imaginaire artistique.

La création d’œuvres d’art par un robot pose nombre de questions éthiques et juridiques. Mais le plus amusant serait de savoir si Ai-Da se conforme aux lois fondamentales fixées par Asimov sur la robotique :

  1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger ;
  2. Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la première loi ;
  3. Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n’entre pas en contradiction avec la première ou la deuxième loi.

Il est clair que les toiles d’Ai-Da ne font pas saigner les yeux de l’admirateur. Pour le reste, je vous en laisse juges !

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